Adolescents et traumas : comprendre leurs troubles et les accompagner face aux chocs contemporains et à la discontinuité du monde.
Entre ruptures et reconstruction : les adolescents face au traumatisme
Lors du 3ᵉ colloque de l’Association Clinamen, nous avons choisi de centrer notre réflexion sur le thème « Adolescents et traumas ». Ce pluriel volontaire met en lumière la singularité de chaque parcours adolescent, la diversité des symptômes rencontrés et la complexité des événements – individuels ou collectifs – à l’origine de ces souffrances.
À travers ce prisme, un concept clé émerge : la discontinuité. Celle-ci traverse l’ensemble des dimensions évoquées : discontinuités historiques, sociales, psychiques… autant de cassures qui perturbent le sentiment de continuité psychique si vital à l’équilibre de l’adolescent.
Les dix dernières années ont profondément marqué les jeunes générations : attentats terroristes, crise sanitaire, guerres en Europe, urgence écologique. Chaque événement, par sa brutalité, son imprévisibilité et sa charge émotionnelle, a contribué à un climat d’instabilité et de sidération collective.
Les adolescents, à la croisée de transformations corporelles, identitaires et sociales, vivent ces bouleversements avec une intensité particulière. L’angoisse du monde se mêle à leurs propres incertitudes, générant une vulnérabilité accrue face au traumatisme.
La pandémie a accentué l’enfermement physique comme psychique : isolement, promiscuité, perte de repères, rupture dans le lien social. À un âge où l’on cherche à se détacher de ses parents pour se projeter dans l’altérité, l’avenir s’est figé, flouté par un sentiment d’incontrôlable.
La promesse d’un « monde d’après » n’a pas été tenue : elle a laissé place à de nouvelles inquiétudes — géopolitiques, environnementales — renforçant encore cette accumulation traumatique.
Les adolescents que nous rencontrons expriment leur mal-être de mille façons :
Comprendre ces manifestations, c’est intégrer la discontinuité adolescente : ce moment de bascule où le corps change, où l’identité vacille, où la pensée s’élargit à des questions existentielles. L’adolescent devient parfois étranger à lui-même, vulnérable face à l’intensité de ses émotions et au chaos du monde.
Dans cette traversée périlleuse, les adultes ont un rôle fondamental : être des figures de relais, de lien, de récit. Accompagner un adolescent, ce n’est pas tout comprendre ni tout contrôler, mais offrir un espace où la parole est possible.
Nous devons apprendre à supporter l’incertitude, à renoncer à l’urgence de tout résoudre, à accepter le silence autant que les cris. La patience est une vertu thérapeutique. Faire récit, c’est redonner du sens à ce qui semblait chaos.
L’adolescence est ce moment où l’on devient soi. Encore faut-il pouvoir intégrer les événements traversés pour qu’ils deviennent porteurs de sens. Le traumatisme, qu’il soit ponctuel ou diffus, doit trouver un espace de symbolisation pour ne pas se figer en mémoire douloureuse.
Notre responsabilité d’adulte, de professionnel ou de parent, est de ne pas laisser le silence répondre aux appels de détresse. Comme le rappelle Roland Gori : « Penser, c’est transgresser les frontières de l’évidence ».
Donner aux adolescents la possibilité de penser, c’est leur offrir l’espoir d’un avenir possible.